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Extrait – Les Monologues du vagin, Eve Ensler

C’est la semaine du 8 mars, je me prépare donc psychologiquement à la journée du 8 mars. Pour une féministe, c’est l’épreuve ultime. Chaque année il faut se fader les « vive la femme », « les femmes sont toutes belles », « femmes, on vous aime », sans compter les photos de mecs avec du rouge à lèvres ou des talons, ceux qui parlent de nous sans nous dans les médias, les promos chez le fleuriste ou pour de l’électroménager… Bon, voilà, je suis prête : j’ai mon tampax entre les dents, un fouet dans chaque main et une bonne dose d’antidote au patriarcat en réserve. On commence par la première : Eve Ensler, extrait des monologues du vagin.

Illustration Sido Blaster ❤

« Mon vagin est en colère. C’est vrai. Il en a ras le bol. Mon vagin est furieux et il faut qu’il parle. Il faut qu’il parle de toutes ces conneries. Il faut qu’il vous en parle. Bon, c’est quoi le problème ? Une armée de gens, là, qui n’ont qu’une idée en tête, torturer mon pauvre cul, mon adorable petit vagin… Ils passent leur temps à inventer des trucs de malades, des idées dégoûtantes pour me saper la foufounette. C’est des enfoirés du vagin.

Toutes ces saloperies, ils essayent sans arrêt de nous les rentrer dedans, de nous aseptiser – de nous boucher avec, en un mot de nous annihiler le vagin. Et bien non, on ne supprimera pas mon vagin comme ça. Il est furieux, mais il reste bien là. Tenez, les tampons – c’est quoi cette saloperie ? Un putain de bout de coton tout sec qu’on se colle, là. Franchement, ils pourraient pas trouver un moyen de les lubrifier délicatement leurs tampons ? Dès que mon vagin en aperçoit un, il est en état de choc. Il dit : « Pas question ! » Et il se ferme. Vous devez travailler pour les vagins, leur présenter les choses, les préparer. Ça sert à ça les préliminaires. Vous devez convaincre mon vagin,le séduire, gagner sa confiance. Et je peux vous dire que vous n’y arriverez jamais avec un putain de bout de coton tout sec. Arrêtez de le bourrer de trucs et de machins. Arrêtez de le remplir et arrêtez de vouloir le rendre propre. Mon vagin n’a pas besoin qu’on le nettoie. Il sent bon naturellement. En tout cas c’est ce que les mecs disent. « Ouah, qu’est ce qu’il sent bon ! » qu’ils disent. «Vachement bon!» Mais pas comme une rose. Faut pas en rajouter non plus. Ne les croyez pas s’ils vous disent qu’il a une odeur de rose, alors qu’il est censé sentir la chatte tout simplement. C’est ce qu’on veut vous faire quand on essaye de vous le nettoyer. Ils veulent qu’il sente les sels de bain ou comme un jardin. Tous ces sprays, aux fruits, aux fleurs, à la pluie. Je ne veux pas que ma foufounette sente les fruits ou après la pluie. »

Eve Ensler, les monologues du vagin – 1998.

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